Devenir Sujet

On ne naît pas sujet.

On le devient, lentement, à travers les plis du temps,

à force de chocs, de liens, d’effondrements traversés.

Ce n’est pas un acquis, ni un trait de caractère.

C’est un processus, toujours fragile, toujours inachevé.

Devenir sujet,

c’est apprendre à ne plus être seulement le produit de ce qui nous a fait,

de ce qui nous a blessé, de ce qui nous a manqué.

C’est tisser, à partir même de ces failles,

quelque chose de singulier — une voix, un regard, une forme de vie.

C’est accueillir en soi ce qui faisait peur.

C’est oser penser au lieu de répéter.

C’est risquer d’habiter des zones sans mode d’emploi.

C’est se dire sans se dissoudre,

et se lier sans se perdre.

Être sujet, ce n’est pas se croire maître de soi.

C’est au contraire renoncer à l’illusion de la maîtrise,

pour entrer dans un rapport plus nuancé, plus incarné, plus vivant à soi-même.

C’est faire de la place à ce qui déborde,

à ce qui résiste, à ce qui dérange,

et chercher à comprendre plutôt qu’à contrôler.

Dans l’espace thérapeutique,

la subjectivation se dit à voix basse.

Elle se fraie un passage dans le tremblement,

dans le fragment,

dans le silence qui devient porteur.

Elle ne produit pas des certitudes,

mais une plus grande hospitalité à l’inconnu.

Et parfois,

au détour d’une phrase entendue autrement,

ou d’un souvenir longtemps figé qui s’ouvre,

quelque chose se déplace.

Alors, ce n’est pas seulement la souffrance qui diminue.

C’est la vie qui recommence à circuler.